Donneville à l'automne - © Alexandre Menard

En s’inspirant du canal du Briare et grâce à ses expérimentations hydrauliques, Pierre-Paul Riquet parvient à créer le premier grand canal à seuil de partage. Du tracé aux ouvrages d’art, tout le canal du Midi témoigne de l’ingéniosité de son constructeur et des solutions inventives pour l’alimenter en eau.

Un canal à seuil de partage

Définition d’un seuil de partage

On parle d’un canal à seuil de partage lorsqu’un point haut est à franchir entre les deux versants à relier. La section la plus haute du canal entre deux écluses appelée bief de partage doit obligatoirement être alimenté en eau.

La Montagne Noire : le château d'eau imaginé par Riquet

Le premier canal à seuil de partage construit en France est le canal de Briare, qui permet de relier la Loire à la Seine.
Ouvert à la navigation en 1642, il va profondément inspirer Pierre-Paul Riquet.

Ce dernier doit d’abord s’assurer de la disponibilité de la ressource en eau. Entre ses observations en Montagne Noire, située à l’extrémité sud du Massif central, et ses expérimentations dans le parc de son domaine de Bonrepos, Riquet comprend rapidement que la Montagne Noire est le château d’eau idéal pour son futur canal.

Il faut « simplement » détourner, grâce à une rigole, les eaux des modestes mais nombreux ruisseaux et rivières de ce massif montagneux, pour les conduire jusqu’au seuil de Naurouze, point de partage des eaux entre les versants Atlantique et Méditerranéen.

Le système d'alimentation en eau

Saint Ferréol, réserve d’eau du canal du Midi

Mais 80 kilomètres séparent la prise d’eau d’Alzeau du seuil de Naurouze ! Pendant l’hiver, pas de problème majeur… Mais que faire des périodes estivales qui voient les débits des cours d’eau baisser sensiblement ?

Riquet, au début de son projet, envisage la création de « magasins d’eau » pour maintenir l’alimentation du canal.  

Finalement, un seul magasin est aménagé, mais de quelle importance ! Le barrage de Saint Ferréol, construit entre 1667 et 1680, est longtemps considéré comme le plus grand barrage d’Europe.  

A la recherche
du meilleur tracé pour le canal du Midi

Un tracé contraint par le paysage

Afin de trouver le meilleur passage pour son canal, Pierre-Paul Riquet s’entoure de maîtres niveleurs et de cartographes dont Jean Cavalier et François Andreossy.

En effet, le tracé du canal est contraint par la topographie du pays traversé. Entre les écluses, chaque section (ou bief) doit être horizontale. Pour arriver à joindre deux points parfois très éloignés, le tracé du canal doit suivre les courbes de niveau. C’est pourquoi son tracé est très sinueux.

Lové dans le sillon Lauragais, le Minervois et la plaine côtière du biterrois, le canal du Midi épouse parfaitement les courbes de niveau afin d’obtenir, sous l’effet de la gravité, une pente régulière mais faible pour l'écoulement des eaux.  

Le versant Méditerranéen et la problématique du franchissement des rivières

Sur le versant Méditerranéen, Riquet souhaite à tout prix limiter le franchissement de rivières. En effet, en cas de crue, la navigation du canal du Midi peut être fortement perturbée voire interrompue ! C’est donc en rive gauche de la rivière Tréboul qu’il choisit d’installer son canal, puis en rive droite de la rivière Fresquel pour enfin se trouver sur la rive gauche de l’Aude.  
 
Ce parti pris le conduit à sacrifier le passage par Narbonne, pourtant indiqué par les recommandations royales. Depuis Argens-Minervois, le tracé se dirige directement sur Béziers, s’éloignant de plus en plus de l’Aude. 

Le tunnel de Malpas,
une prouesse technique pleine d’audace

Par un incroyable bief (section sans écluse) de 54 kilomètres de longueur, la liaison entre Argens et Béziers est réalisée.

Pour réussir ce véritable tour de force, Riquet perce directement dans la montagne et crée la voûte du Malpas.

Les incertitudes du chantier et la vindicte des détracteurs de Riquet ont bien failli avoir raison de l’entreprise. Mais les convictions de Riquet sont plus fortes et sa détermination entière !

Point d’orgue de ce bief de 54 km : les extraordinaires écluses de Fonserannes, avec huit bassins accolés rachetant d’un seul coups 23 mètres de dénivelés.  

De Béziers, reste encore à gagner l’étang de Thau pour atteindre le port de Sète et la mer Méditteranée.. En utilisant le meilleur du potentiel naturel, les niveleurs de Riquet se taillent un chemin non loin du littoral. Ils utilisent les apports en eau des fleuves Orb et Hérault pour rendre l’alimentation de la partie orientale du canal indépendante du reste.

Enfin, à Agde, l’opportunité d’établir une connexion avec le port maritime conduit Riquet à faire construire une écluse ronde jouant le rôle de carrefour de navigation. 

L'écluse ronde d'Agde

Le plus grand canal à seuil de partage

Riquet et ses équipes n’ont de cesse de tirer le meilleur parti que leur offre la nature ! C’est ainsi qu’ils réalisent la prouesse d’établir la jonction des deux mers Atlantique et Méditerranée.  

Avec ses 240 kilomètres navigables, auxquels il faut ajouter quelques 80 kilomètres du système d’alimentation, celui qu’on nomme alors le canal royal du Languedoc est (et restera pour longtemps) le plus grand et le plus beau canal à seuil de partage. Vite désigné comme la merveille de l’Europe, le canal du Midi est l’une des réalisations de génie civil les plus extraordinaires de l’ère Moderne. 

Coupe du canal dénivelé - VNF

Coupe du canal dénivelé - VNF

Le canal du Midi :
une oeuvre d’art sans cesse améliorée

A la mort de Pierre-Paul Riquet en octobre 1680, d’autres aménageurs poursuivent son chef-d’oeuvre.  Vauban, Niquet, Pin, Saget, Garipuy, Maguès pour ne citer que les principaux, ont pour mission de corriger les défauts du programme initial, d’en apporter des compléments, d’en dessiner des prolongements.  

Ces ajouts successifs sont tous réalisés dans le souci de l’esthétique architecturale et des paysages créés. Ces soins constants et réfléchis font du canal du Midi non seulement une prouesse technique, mais aussi, d’une certaine manière, une œuvre d’art reconnue par l’UNESCO qui a inscrit le canal du Midi sur la Liste du patrimoine mondial en 1996s.