Le tracé du canal du Midi et le franchissement de nombreux cours d’eau poussent Riquet et ses successeurs à mettre au point un système ingénieux pour séparer les eaux des rivières de celles du canal.
Empreints d’ingéniosité, les aqueducs et ponts-canaux constituent une avancée majeure pour la navigation fluviale et sa fluidité. Ceux construits sur le canal du Midi constituent des œuvres d’art remarquables.
Un aqueduc a une architecture très proche de celle d’un pont. La différence réside en ce qu’un canal passe sur le pont en lieu et place de la voie routière. Un aqueduc de grande taille est appelé « pont-canal ».
Un aqueduc permet de séparer les eaux libres des rivières de celle, captive, qui assure le fonctionnement du canal. En isolant le canal des aléas naturels, notamment des crues des rivières, on le préserve des alluvions transportées et de volumes d’eau incontrôlés. En effet, ces derniers peuvent causer de graves désordres à la cuvette du canal et, donc à la navigation.
Le plus emblématique des aqueducs et ponts-canaux est celui du Répudre. Le pont-canal du Répudre fait date dans l’histoire de l’architecture fluviale. En effet, il s’agit du premier pont entièrement conçu pour le passage… des bateaux !
Construit de 1677 à 1680 par l’architecte Emmanuel de l’Estang, cette prouesse technique est vite saluée pour son audace. Pourtant, l’ouvrage ne possède que de modestes dimensions en comparaison des grands ponts-canaux plus tardifs.
La construction du pont-canal du Répudre est onéreuse. C’est la raison pour laquelle Riquet décide de ne pas généraliser ce procédé ; il s’en tient à des points de croisement avec les rivières sur lesquelles sont construites des chaussées. Ainsi, le canal traverse les rivières à niveau, détournant au passage une part d’eau.
Les problèmes d’un tel procédé ? Pendant la crue, la navigation doit être interrompue. Après la crue, des travaux de désensablement sont toujours nécessaires !
Après son inspection de 1686, Vauban reprend les modèles pensés par Riquet.
Il préconise alors la construction de 60 aqueducs. 49 sont finalement bâtis lors d’une campagne de travaux menée entre 1687 et 1693.
Les premiers aqueducs construits comportent une voûte en plein cintre (en demi-cercle) avec un radier (fondation) en maçonnerie sur lequel coule le ruisseau. La pente du radier n’est pas uniforme : elle est plus importante dans le premier tiers à partir de la tête d’entrée afin de gagner rapidement en profondeur et accélérer la sortie de l’eau dans le tunnel.
Cette technique permet d’éviter l’envasement de l’aqueduc !
Deux puisards à l’entrée et à la sortie autorisent aux seules eaux de surfaces d’entrer à l’intérieur de la voûte. Par la suite, d’autres innovations apparaissent telles que les radiers concaves pour éloigner les eaux des fondations et restreindre les dépôts. Les ponts-canaux de Cesse et d’Orbiel comptent, à l’époque, parmi les plus grands jamais construits en Europe !
Le saviez-vous ?
Les ruisseaux de faible importance ne peuvent faire l’objet d’un pont-canal. Ils sont barrés ou directement admis dans le canal, après le passage des eaux dans une cale ou un bassin de décantation. Pour éviter tout problème d’accumulation des eaux de ruissellement contre le cavalier du canal (ce qui rend les terrains riverains incultes) un réseau de contre-fossés est alors creusé pour drainer ces poches d’eau et les conduire jusqu’à une cale ou un aqueduc.
L’aménagement d’un aqueduc représente un autre avantage. Il permet de simplifier le tracé du canal !
En effet, pour organiser un passage à niveau, il est nécessaire de trouver le site de croisement idéal, souvent en remontant à l’intérieur des vallons. Grâce aux aqueducs, ces détours peuvent être supprimés et remplacés par l’usage d’un passage en remblais.
La navigation s’en trouve fortement facilitée car le passage en épingle sur les chaussées est peu prisé des bateliers.
Le dernier pont-canal construit est celui de Béziers sur l’Orb. Conçu en 1854 par Urbain Maguès et Achille Simonneau, il est pensé pour résoudre le franchissement du fleuve au moment où la construction d’une voie de chemin de fer entre Toulouse et Sète avance grand train.
Au même moment, les mêmes ingénieurs mettent au point le délicat système du Libron.
A cet endroit, le fleuve ne peut pas passer sous le canal faute de pente suffisante. Incroyable mais vrai, un système d’aqueducs mobiles se déploie au-dessus du canal en cas de crue et est replié ensuite.
Le système du Libron représente un véritable tour de force : les rôles sont ici inversés et c’est l’eau du fleuve qui passe au-dessus du canal durant la crue ! Les ouvrages du Libron sont à mettre dans la grande famille des aqueducs.
L’alimentation du canal par les ruisseaux admis ou les eaux de ruissellement sont les causes principales d’amenée d’eau excédentaire.
Afin de permettre l’évacuation de ces trop-plein, épanchoirs et déversoirs sont construits en grand nombre aux XVIIème siècle ! Le plus souvent, ces systèmes d’évacuation d’eau se trouvent proches des chaussées de franchissement des rivières ou des aqueducs une fois les travaux de modernisation de Vauban menés à bout.
Épanchoirs et déversoirs sont des systèmes d’évacuation d’eau bien différents.
Les déversoirs du canal sont des seuils à fleur d’eau qui permettent l’écoulement de l’eau en surplus vers le lit naturel d’une rivière sans intervention humaine. Aussi nommés passelis (comme sur le bief d’Agde), ces petits ouvrages de régulation sont essentiels en cas de forte pluie. Ils sont constitués par un abaissement du chemin de halage jusqu’à fleur d’eau. Le franchissement piéton de ces ouvrages peut se faire par une passerelle ou une série d’arcades.
Les épanchoirs diffèrent des déversoirs par la présence d’une vanne placée dans la cuvette du canal. Le fonctionnement de ces ouvrages, tels que l’épanchoir des Patiasses, nécessite une intervention humaine. Ils peuvent fonctionner par débordement de leur seuil ou par la manœuvre des vannes. Ils sont très utiles pour mettre à sec des parties de la cuvette du canal quand des travaux sont nécessaires.
Epanchoir et déversoir peuvent être associés dans un seul et même ouvrage : c’est le cas par exemple de l’épanchoir de l’Argendouble à la Redorte.
Les ouvrages que l’on peut voir maintenant datent essentiellement du XVIIIème siècle. On peut les diviser en déversoirs, passelis, épanchoirs à fond et épanchoirs à siphon. Ces derniers sont une invention de l’ingénieur Garipuy qui met au point ce système dans les années 1770. Le siphon s’amorce dès que le niveau de l’eau atteint une côte supérieure et se désamorce seul grâce à une prise d’air ménagée dans la maçonnerie.
Un site géré par Voies navigables de France en lien avec les membres de l’Entente
pour le canal du Midi et leurs opérateurs touristiques