L’idée de creuser un canal reliant la Méditerranée à l’Atlantique n’est pas nouvelle !
Avant Louis XIV, l’empereur Auguste, Charlemagne, François 1er ou encore Henri IV se sont penchés sur la faisabilité d’un tel projet. Pourquoi ? Relier la Méditerranée à l’Atlantique permettrait aux bateaux de contourner la péninsule ibérique et le détroit de Gibraltar, contrôlé par la couronne espagnole. Un excellent moyen de s’affranchir de taxes et de ne pas s’exposer aux pirates et autres corsaires à la réputation barbare.
La construction d’un canal reliant les deux mers représente donc un véritable enjeu politique et économique. Mais pour y arriver, il fallait trouver la solution pour alimenter en eau ce canal. Un canal qui relie deux mers passe par un point haut, où il faut apporter de l’eau !
En 1662, depuis son château de Bonrepos, Pierre-Paul Riquet soumet à Colbert, contrôleur général des finances du royaume, son projet de relier Toulouse à Narbonne et les moyens d’y parvenir.
Grâce à ses connaissances hydrauliques, Pierre-Paul Riquet imagine un système ingénieux pour récupérer les eaux de la Montagne Noire et ainsi, alimenter le canal en eau tout au long de l’année.
Louis XIV est séduit par le projet. Le Roi y voit l’opportunité de marquer son règne d’un projet ambitieux et de nombreux avantages économiques pour lui et son peuple. En janvier 1663, Louis XIV ordonne l’examen du projet par des commissaires du Royaume et de la Province du Languedoc.
Pierre-Paul Riquet réalise une étude expérimentale et en novembre 1664, après un examen détaillé du projet, la commission d’enquête émet un avis favorable à la construction du canal du Midi.
Il faudra attendre octobre 1666 et l’édit de Saint-Germain pour que l’autorisation de creuser le canal soit signée. Cet édit fait de Pierre-Paul Riquet l’adjudicataire des travaux de construction du canal, de Toulouse à Trèbes. Les travaux peuvent donc démarrer !
Le chantier démarre, tambour battant.
Les premiers chantiers sont lancés en Montagne Noire. La première entreprise des travaux débute avec la construction de la Rigole de la Plaine.
Première pierre du bassin de Saint-Ferréol.
Les travaux se poursuivent avec la pose de la première pierre du lac de Saint-Ferréol. Débute alors l’un des plus grands chantiers engagés par Riquet, aucun lac-réservoir de cette ampleur n'ayant jamais été réalisé auparavant.
Première pierre de l'écluse de l'Embouchure en Garonne à Toulouse.
Pour l’occasion, Riquet organise une grande cérémonie où il convie les autorités politiques et religieuses. Des médailles commémoratives en bronze sont frappées et jetées à la foule présente.
La seconde partie du canal entre Trèbes et l'étang de Thau est adjugée à Riquet ainsi que la construction du port de Sète.
Un premier tronçon du canal entre Toulouse et Castelnaudary est inauguré et ouvert à la navigation.
Construction de l’écluse à huit bassins de Fonserannes près de Béziers, l’ouvrage le plus majestueux du canal ! D’une longueur d'environ 300m il permet aux embarcations de franchir un dénivelé de 25m.
Début du percement du tunnel du Malpas à Nissan-les-Ensérunes.
C’est le dernier grand chantier conduit par Pierre-Paul Riquet. Au lieu-dit « Le Malpas », le canal franchit la ligne de partage des eaux entre les deux bassins versant de l’Aude et de l’Orb. L’importance du relief a conduit Riquet à faire percer ce tunnel de 160 m de long pour le passage du canal. Ce chantier est l’un des plus emblématiques de l’entreprise de Riquet compte tenu de sa prise de risque sur la crédibilité technique de réaliser un ouvrage de ce type à cet endroit. Le tunnel du Malpas est le plus vieux tunnel de navigation d’Europe.
1ère mise en eau complète du canal et voyage inaugural
Après 14 ans de travaux, le chantier du canal s’achève. Le 15 mai 1681, un convoi de 25 barques part de Toulouse pour le voyage inaugural. Au passage de Béziers, ville natale de Riquet, une grande fête est donnée. Après 10 jours de navigation, le convoi pénètre dans le port de Sète, établissant pour la première fois la liaison entre Toulouse et la Méditerranée.
14 années de construction
240 kilomètres de long
12 000 personnes mobilisées
17 160 000 millions de livres
Le creusement du canal du Midi est, après Versailles, le plus grand chantier du XVIIe siècle. Car en réalité, ce n’est pas un mais bel et bien des dizaines de chantiers que Pierre-Paul Riquet mène de front.
Pour l’époque, les moyens mis en œuvre relèvent de la prouesse technique ! Terrassement, écluses à sas multiples, ponts, aqueducs, ponts-canaux, barrages… Imaginez un peu toute l’ingéniosité et l’inventivité dont Riquet a fait preuve pour construire tous ces ouvrages d’art ! Parmi les plus emblématiques figure le barrage de Saint-Ferréol, le plus grand réservoir d’eau artificiel du monde à cette époque.
Mener à bien un tel chantier nécessite de s’entourer de professionnels reconnus. C’est pourquoi Pierre-Paul Riquet fait appel au cartographe François Andréossy ainsi qu’à l’architecte Emmanuel de l’Estang, qui tient sa réputation de la construction du pont canal du Répudre.
Mais la construction du canal du Midi requiert aussi la mobilisation de nombreux corps de métiers. Maçons, tailleurs de pierre, forgerons, maréchaux-ferrants… Pendant près de 15 ans, ce n’est pas moins de 12 000 ouvriers qui travailleront à la réalisation du canal du Midi. Les travaux sont tous réalisés manuellement, à la pelle ou à la pioche. Le rythme est intense, la tâche pénible et épuisante.
Afin de tenir les délais et d’éviter que les ouvriers ne retournent aux champs pour les récoltes, Pierre-Paul Riquet accorde à ses employés des conditions de travail très favorables pour l’époque : salaires plus importants, jours de repos, jours chômés ou de maladie... Riquet, là encore, est en avance sur son temps !
Le saviez-vous ?
Pierre-Paul Riquet ne verra jamais la mise en eau complète de son chef d’oeuvre et la liesse populaire qui en découle. Éreinté par ce chantier colossal, écrasé par les dettes, il tombe gravement malade et meurt le 1er octobre 1680 à Toulouse, quelques mois avant la fin des travaux. C’est son fils aîné, Jean-Mathias Riquet, qui poursuit et finalise la construction du canal.
Vous vous en doutez, un chantier de cette envergure nécessite des moyens financiers très importants. Dans un premier temps, Pierre-Paul Riquet finance personnellement les travaux grâce à sa fortune avant d’être épaulé par le Trésor Royal et par les Etats du Languedoc.
La construction du canal a coûté environ 17 160 000 livres dont :
- 8 485 000 livres payées par le Trésor Royal,
- 8 070 000 livres payées par les États du Languedoc,
- 605 000 livres à la charge de Riquet.
Des financiers du Languedoc tel que Pierre Louis Reich de Pennautier ont également aidé au financement du projet.
Le saviez-vous ?
En 1668, le roi Louis XIV met la seigneurie du canal aux enchères. C’est ainsi que Riquet devient le seigneur et maître du canal du Midi ! Il devient garant de l’entretien du canal et bénéficiaire de l’ensemble des revenus générés par le canal : la barque de poste, le péage sur les marchandises aux bureaux de recettes, la location d’entrepôts, le revenu des moulins, l’exploitation des francs bords…
Trois ans après la mise en eau du canal du Midi, en juillet 1684, une visite de contrôle pour la réception des travaux est réalisée par l’intendant du Languedoc Henry Daguesseau. Le constat est là : le canal s’ensable et certains ouvrages se dégradent. Les charges d’entretien ne sont pas compensées par les taxes perçues sur la navigation et les héritiers de Riquet sont écrasés par les dettes qui s’accumulent.
En 1686, Louis XIV demande à Vauban, Commissaire général aux fortifications du royaume, d’inspecter le canal. Ce dernier préconise la construction de multiples ouvrages afin de limiter l’ensablement et le renforcement des réserves d’eau de la Montagne Noire.
Dès 1687, une nouvelle période de travaux débute sur le canal du Midi. Et le programme est vaste ! Suivant à la lettre les recommandations de Vauban, le commissaire régional aux fortifications du royaume Antoine de Niquet prévoit :
- L’édification de 48 aqueducs et ponts-canaux, sur le modèle de celui du Répudre, l’un des rares construit par Riquet. En enjambant les rivières, le canal est ainsi à l’abri des crues et des risques d’ensablement
- Le creusement de contre-fossés pour drainer les eaux de ruissellement qui attaquent les digues du canal
- Le rehaussement du barrage de Saint-Ferréol et ainsi porter sa capacité de 4 à 6,3 millions de m3.
- Le renforcement du système d’alimentation par la percée des Cammazes. Ce "tunnel d'eau" permettra d'injecter les eaux de la Rigole de la Montagne directement dans le Laudot, ruisseau qui alimente le réservoir de St Ferréol.
- La construction de nouveaux ponts destinés à rétablir les cheminements coupés par le canal.
Le Canal de la Jonction des Mers est sans contredit le plus beau et le plus noble ouvrage de cette espèce qui ait été entrepris de nos jours et qui pouvoit devenir la merveille de son siècle s'il avoit ésté poussé aussy loin qu'on l'auroit pû mener, l'utilité d'un travail de cette nature qui débouche par ses deux extremités dans les deux mers et qui traverse par de très longs espaces les meilleurs pays du monde est inconcevable et son invention aussi bien que celle de ses rigolles qui vont chercher les eaux si loing et par des pays si difficiles seront à jamais dignes de l'admiration des gens mesmes les plus esclairés en ces sortes d'ouvrages
En 1694, les travaux d’amélioration menés par Vauban et Antoine de Niquet s’achèvent. Le canal peut être considéré comme terminé ! Au total, la construction du canal du Midi aura coûté près de 17 millions de livres, auxquelles il faut ajouter le coût des ouvrages construits lors du programme Vauban.
Afin de payer leurs dettes, les héritiers de Pierre-Paul Riquet se voient contraints de vendre une partie des parts de la propriété du canal du Midi. Reich de Pennautier et Antoine de Niquet en rachèteront une partie. Mais en 1725, les héritiers de Pierre-Paul Riquet, faisant jouer une clause de rachat, sont en mesure de devenir à nouveau les seuls propriétaires du canal. Ils le resteront jusqu’à la Révolution Française.
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pour le canal du Midi et leurs opérateurs touristiques
